Lorsque l'adoption d'une décision des associés d'une société civile nécessité l'unanimité, cette décision doit être approuvée par tous les associés de la société et non seulement ceux qui participent à l'assemblée. A défaut, la décision est nulle.
Espèce. L’assemblée générale d’une SCI avait adopté des résolutions portant sur l’approbation des comptes, la distribution de dividendes, le quitus donné aux cogérants puis à l’administrateur judiciaire, l’affectation des résultats et la rémunération de l’administrateur. L’un des associés a assigné la société en annulation des délibérations de cette assemblée.
Cour d’appel. La Cour d’appel (CA Basse-Terre, 27 janvier 2020, n°18/00463), au visa des articles 1844-10 et 1852 du Code civil, a prononcé la nullité des délibérations et ordonné le recouvrement des dividendes versés. En effet concernant l’approbation des comptes, les juges ont constaté qu’aucune disposition statutaire particulière n’était prévue pour la délibération ce qui impliquait une décision à l’unanimité conformément à l’article 1852 du code civil.
Cour de cassation. Représentée par son administrateur, la société s’est pourvue en cassation contre cette décision. Elle soutenait notamment que l’unanimité prévue par l’article 1852 du code civil, dans le silence des statuts, doit s’entendre de l’unanimité des associés présents ou représentés lors de l’assemblée générale. De plus, elle soutenait que la règle de l’unanimité des associés en cas de décision excédant les compétences du gérant n’est pas une règle impérative et sa méconnaissance ne doit donc pas être sanctionnée par l’annulation.
Dans son arrêt du 5 janvier 2022 (Cass. 3e civ, 5 janvier 2022, n°20-17.428), la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est penchée sur la double question de savoir (i) si l’article 1852 du Code civil est une disposition impérative sanctionnée par la nullité des délibérations et (ii) si l’unanimité exigée par cet article en l’absence de dispositions statutaires doit s’entendre seulement de l’unanimité des associés présents ou représentés à l’assemblée.
Pour la première fois, la Cour de cassation a défini la notion d’unanimité des associés, et ce de façon très large : l’unanimité prévue par l’article 1852 du code civil en l’absence de dispositions statutaires doit s’entendre de tous les associés de la société, y compris les absents à l’assemblée.
En outre, la Cour a reconnu à l’article 1852 du code civil un caractère impératif. Néanmoins, cette règle est supplétive et il peut y être dérogé par les statuts.
Impact. Si la définition de l’unanimité retenue par la Cour de cassation se transpose à toutes les situations dans laquelle la loi requiert l’unanimité, y compris dans les sociétés commerciales, cela revient implicitement à conférer aux associés sur certaines délibérations un véritable droit de véto pouvant mener à des situations de blocage (par exemple adoption d’une clause d’inaliénabilité dans une SAS, augmentation du capital en numéraire par élévation du nominal des actions dans une SA, transformation d’une SARL en SA ou SNC).